
A l’heure où rentabilité et haute technologie s’allient pour jeter aux oubliettes les gestes ancestraux du graveur de médailles, subsiste encore à Lyon un jeune et vaillant résistant.
A la fois artiste, artisan et pédagogue, Nicolas Salagnac investit sa jeunesse dans la pratique de cet art à part, convaincu que son métier et la qualité des méthodes traditionnelles auront leur place dans le prochain millénaire. Elevé dans une famille d’artistes et d’artisans bourguignons, Nicolas exploite très vite l’intelligence de ses mains et commence, dès l’âge de sept ans, les cours de dessins. Peu fana des bancs d’écoles, il suit les conseils de son grand-père ébéniste, écourte son cursus scolaire et présente, à quinze ans, le concours de l’école Boulle à Paris. Attiré par la finesse et la précision, il intègre la section gravure et dirige ses cinq ans de formation vers l’art de la médaille. Envoûté par ce nouvel univers, notre jeune diplômé des métiers d’art quitte alors les études et commence sa carrière professionnelle.
Et c’est de Lyon que vient la bonne nouvelle… Une société lyonnaise recherche la perle rare d’une “espèce en voie de disparition” : un jeune expert en matière de gravure sur acier. A 25 ans, Nicolas fait ses valises pour la capitale des Gaules et intègre , en 1994, la société FIA (ex Augis) qui s’efforce tant bien que mal de préserver un savoir faire ancien… Un maillon de la chaîne.
Très peu connu du grand public, le métier de graveur de médailles sur acier comporte trois étapes importantes. Le motif de la pièce est avant tout une idée visuelle de base, un dessin auquel on doit parfaite fidélité. Vient ensuite le modelage en bas-relief qui donne l’apparence finale avec les volumes, les contours et les reliefs tels que l’on pourra les voir sur la médaille achevée.
Enfin, l’artiste creuse dans la matrice d’acier et réalise dans le métal, en inversant tous les volumes, un négatif, une empreinte aux dimensions réelles. Véritable casse-tête chinois, le graveur fait le vide à la place des volumes et laisse du relief là où le motif final montrera du vide… bref, plus facile à voir qu’à expliquer. Une fois la matrice achevée, la future médaille est frappée sur l’acier gravé : 400 tonnes de pression, et la pièce est moulée par le travail de l’artiste… “Pour moi, explique Nicolas , c’est un ensemble, la gravure n’est qu’une étape dans la naissance d’une médaille. Si le graveur maîtrise le dessin et le modelage, si la précision de son burin et la justesse de son échoppe l’obligent à ne pas se contenter d’approximations dans la petitesse et la minutie de ses représentations, il dépend aussi de tous les ateliers qui viennent ensuite car on peut réaliser la plus belle gravure du monde : si ce n’est pas estampable cela ne sert à rien et n’a aucun sens ? C’est un vrai travail d’équipe. La réussite à la fois économique et artistique d’une gravure dépendra toujours d’un bon équilibre entre le travail mécanique (gravure assistée par ordinateur, pantographe, tour à réduire…), la maîtrise des nouvelles technologies et le travail manuel exécuté avec dextérité.”
Mais notre virtuose du burin n’en reste pas là. Sa passion pour l’histoire et les gestes traditionnels est si grande qu’après son boulot il occupe ses temps libres en peaufinant l’art ancien de la taille directe, cette forme de gravure à l’âme véritable où les marques du burin dégagent encore plus de force et d’émotion. Modeste mais ambitieux, Nicolas sait qu’il n’a pas atteint le sommet de son art et que ces “heures sup” sont obligatoires pour son avenir et surtout celui de ce métier sur lequel il a tout misé.
Frédéric Guignard Perret.